Ca ne rigolait plus. La patronne avait parlé, il lui fallait un sapin. Un gros, qu'elle avait dit. Oh, avec le sourire, ça c'est sur, mais il avait bien compris qu'il allait devoir sacrifier un des beaux qui veillaient au bout du chemin, fiers et altiers.
Toujours boitant légèrement, il alla prendre une cognée dans la remise. A la goutte de sang qui perla à son doigt, il s'autorisa a considérer que le fil en était suffisament tranchant.
Outil sur l'épaule, il tourna un temps autour du bosquet, cherchant l'arbre idéal. Puis se campa devant, jambes un peu écartées, et se cracha dans les mains, avant d'empoigner le manche.
Mouvements souples et équilibrés, coups portés sans forcer, en alternant l'angle d'attaque du fer. La hache sonnait clair dans le froid de la foret, et le sapin tomba, lentement, venant se coucher dans la neige fraiche.
Satisfait, il se recula, contemplant son ouvrage.
Puis, d'un pas léger, il rejoignit le domaine. Héla deux gardes qui trainaillaient, et leur tint à peu près ce langage :
Hola, maroufles ! Sortez donc les mains des poches ! Si ca explose, vous finirez manchots !
Allez, bougez-vous, il y a un sapin, au bord du chemin de l'étang. Prenez de quoi, et ramenez-le ici. Et attention ! Sans l'abimer. Sans quoi y aura pas besoin d'explosion...