Le professeur sourit
Nous allons commencer par le commencement, à savoir, l'infection, nommée suppuration! Voici une reproduction d'un campement de fortune.
(Au lieu de ce terme inconnu de nos glorieux prédécesseurs) Nous utiliserons plus volontiers la notion de suppuration.
Fortes controverses durant de nombreux siècles.
Les chirurgiens, comme leurs prédécesseurs Grecs et Romains ont remarqué qu'une petite blessure laissée sans soin passait forcément par une phase d'inflammation et de suppuration.
Aussi dans leur esprit, cela faisait-il partie de la phase de cicatrisation.
Afin de favoriser cette suppuration, on utilise des pommades caustiques ou d'encens (résine + souffre + laurier + scrotum de rongeurs).
- Définition du scrotum a écrit:
- Désigne la peau qui pend à la base de la verge et qui rassemble dans un même "sac" les bourses et les testicules. Elastique, pigmentée, plissée, parsemée de poils, extrêmement sensible, cette enveloppe a une morphologie très variée d'un sujet à l'autre. Il est banal d'observer que le côté gauche pendouille plus que le droit. Le froid, la frousse, ou les fariboles, contractent la fine couche musculaire qui la tapisse intérieurement (le "dartos"), donnant l'impression d'une diminution transitoire de volume qui inquiète les novices.
Ces pratiques, issues des textes de Gallien et Hippocrate seront érigées en dogme par l'Église.
Néanmoins périodiquement, des voix s'élèveront pour les remettre en cause. Ainsi, en 1267, un dénommé Théodoric publie un ouvrage intitulé Chirurgia dans lequel il affirme : « il n'est pas nécessaire comme Roger et Roland l'ont écrit, et comme le soutiennent les chirurgiens jusqu'à présent que le pus se constitue dans les blessures.
Aucune erreur n'est plus grande ! Un tel procédé est contre-nature, prolonge la maladie et retarde la cicatrisation de la blessure. »
Henri de Mondeville (né en 1260) disciple de Théodoric et chirurgien de Philippe le bel a étudié à Paris, Montpellier et Bologne. Il est l'auteur d'une oeuvre révolutionnaire, critique et innovatrice, la Cyrurgia, le premier grand livre sur le sujet en France. Il distingue trois sectes de chirurgiens en fonction de leurs méthodes de traitement des blessures :
* l'Ecole de Salerne qui interdit l'usage interne et externe du vin mais conseille de sonder les blessures et de les recouvrir ou de les combler avec des onguents destinés à provoquer l'aposte.
* À l'inverse les disciples de Théodoric préconisent l'utilisation de vin chaud (agent dessèchant) pour nettoyer les plaies récentes et propres ainsi que de compresses imbibées de vin. Les plaies propres sont suturées avec des cheveux ou du crin, des mondicatifs telle la fleur de cuivre ou l'arsenic peuvent être utilisés pour éviter l'apparition du pus.
* Enfin, l'école intermédiaire pour qui les onguents ne sont pas systématiquement employés.
**************************************
Le professeur continua.
Dans le cas de blessures comportant de graves mortifications des tissus, Henri de Mondeville préconise de détacher et d'expulser les parties non viables et de favoriser la régénération en partant du fond de la plaie maintenue ouverte par des mèches et des onguents.
Il s'efforce de réduire le fossé entre médecins et chirurgiens.
Il affirme que les chirurgiens, bien qu'illettrés et traités de petits opérateurs manuels par les médecins, sont selon lui supérieurs à eux car à ses yeux la médecine n'est rien sans la chirurgie.
Pour lui, le meilleur praticien est celui qui se réclame des deux disciplines.
Malheureusement, le ton polémique de son oeuvre heurta le monde médical qui y resta fermé. Elle fut éclipsée par celle de Guy de Chauliac au XIVe siècle, Cirurgia magna (1363) !
Ce fervent disciple de Gallien rejeta les théories pourtant pertinentes de Théodoric et Henri de Mondeville et conseilla le recours à la suppuration quasi-systématique des plaies.
La renommée de son oeuvre est liée à ses travaux sur les techniques chirurgicales et les fractures mais surtout à ses découvertes sur la peste.
Il parvient à différencier la peste pneumonique de la peste bubonique en 1348 au prix de très gros risques. Même s'il est partisan de la suppuration louable ce dernier utilisera parfois des cataplasmes à l'eau de vie (pansement alcoolisé) ou à l'eau salée.
En 1370, l'anglais John Ardenne prône également d'éviter la phase de suppuration et de limiter autant que faire se peut l'utilisation de bandages qui dans tous les cas ne doivent pas irriter le patient.
*************************************************************************************************
Nous allons parler des blessures causées par les balles.[Les plaies par balles]
Les plaies provoquées par les épées, les dagues, les lances, les hallebardes, les flèches et les haches étaient effroyables mais relativement nettes.
À l'inverse, les plaies par balles et par mitrailles provoquent des plaies très profondes avec un délabrement tissulaire conséquent et une fâcheuse tendance à l'infection et à l'inflammation.
Elles provoquent des fièvres et emportent les blessés y compris dans les cas de blessures présumées non-mortelles.
Très vite une rumeur compréhensible selon laquelle ces plaies sont empoisonnées va se répandre.
Mais empoisonnées par quoi ? La balle, la poudre ou l'air ? Dès lors le but du traitement sera d'extraire le poison.
Mais comment faire sur des plaies profondes ?
Un médecin recommande l'introduction de lard dans les plaies pour absorber le poison et de thériaque (panacée comportant une soixantaine d'ingrédients dont de la chair de vipère) pour l'extraire. Jean de Vigo fut à l'origine d'une funeste pratique : de la charpie trempée dans de l'huile de sureau bouillante mélangée à un peu de thériaque est introduite dans la plaie. Le but après extraction de la balle était de détruire le poison.
(Hrp)Cette croyance d'empoisonnement durera jusqu'au XVIIIe siècle. En 1537, le hasard et le sens de l'observation d'Ambroise Parée, alors jeune barbier chirurgien, vont faire évoluer les choses. À cours d'huile de sureau au soir d'une bataille, il applique le pansement digestif qu'il utilise habituellement pour les blessures par arme blanche (un mélange de jaune d'oeuf, d'huile rosat et de térébenthine). Le lendemain, les blessés traités à l'huile de sureau éprouvaient de vives douleurs au niveau de leurs blessures qui portaient d'importants signes d'inflammation, au contraire de ceux traités avec les pansements digestifs. Mais laissons la conclusion à Ambroise Parée qui décida de : « ne jamais plus brûler aussi cruellement les pauvres blessés d'arquebusades ». Néanmoins, Parée resta partisan de la suppuration louable.(hrp)
Les premières armes à feu apparurent en France au cours de la deuxième moitié du Moyen Âge, vraisemblablement au XIIIe siècle, où l'on trouvait les premières mentions de ce type d'arme.
Les premiers essais d'arme à feu concernaient surtout des engins d'artillerie, les armes portables se révélant, tout d'abord problématiques à mettre en œuvre, et moins efficaces que les armes de jet traditionnelles, comme l'arc et l'arbalète.
De plus, cette arme était considérée par l'Église comme une arme déloyale, ce qui limita considérablement son développement. En effet, l'arquebuse ou autre arme à feu pouvait tuer le meilleur chevalier ou le plus grand seigneur à distance (lâcheté). Cependant, l’avantage de l’escopette comme arme prête au tir combinée à son faible coût (de 3 livres d’après des comptes anglais de 1366 contre 66 pour une arbalète) lui donna un usage dans le siège, puis, en campagne, les munitions étant bien plus faciles à fabriquer lorsque le besoin s'en faisait sentir que les flèches ou carreaux. L'arquebuse, puis le mousquet ont néanmoins précédé l'escopette
****************************************************************************************************
L'amputationScène d'amputation :
Dans le cas d'entailles profondes ou de plaies gangrenées (la « pourriture fatale des tissus ») au niveau des membres supérieurs ou inférieurs, le chirurgien est dans l'obligation d'amputer soit dans l'articulation soit en dehors.
L'opération se déroule « simplement ». Le patient est solidement maîtrisé.
On place un garrot au-dessus de la future découpe.
On coupe les chairs avec un couteau à amputer.
Sous l'action des muscles, les chairs vont avoir tendance à s'écarter.
Pour stopper l'hémorragie, dans la plupart des cas on cautérise au fer rouge.
Certains utilisent l'arsenic ou les aluns de roche comme hémostatiques, d'autres ligaturent les vaisseaux au lieu d'utiliser le cautère.
Néanmoins, cette technique semble avoir été peu utilisée, car il ne faut pas suturer ensemble vaisseaux, peau et muscles.
Une fois cette opération terminée, on coupe l'os à la scie.
Les esquilles d'os sont éliminées avec une paire de forces.
À noter, la pratique de Hans von Gerssdorf, Stadtscherer (barbier de la ville) de Strasbourg. Ce dernier taille un lambeau de chair qui recouvrira la surface sectionnée en permettant la formation d'un beau moignon.
Mais tous les chirurgiens ne sont pas d'accord sur l'endroit de la découpe. Les uns préconisent d'amputer dans les tissus gangrenés car cela serait moins douloureux et moins hémorragique, les autres préfèrent trancher en zone saine.
Certains conseillent de trancher au niveau de l'articulation, les autres au-dessus ou au-dessous.
Les blessures par flèches
Avant l'apparition des armes à feu, les blessures par flèches préoccupent déjà les chirurgiens depuis l'antiquité (Celse). Au XIIIe siècle, Guillaume de Salicet (pour ne citer que lui) y consacre 22 chapitres sur les 26 de son livre ! La diversité des flèches est à la hauteur de l'ingéniosité des praticiens pour les extraire !
Le Byzantin Paul d'Egine (625-690) utilise des repoussoirs pour évacuer les flèches profondément enfoncées. Prenons l'exemple d'une flèche profondément enfoncée dans le bras : le praticien essaie de tirer sur la hampe pour la dégager, mais la plupart du temps seule la hampe, simplement emboîtée, peut être extraite. Le praticien sonde alors la blessure, s'il s'avère que le fer est prêt à sortir du côté opposé, il utilise l'impulsoir. En passant par le trou laissé par la pointe, il vient loger son instrument dans la douille de la flèche et la pousse en avant. Quand cette dernière pointe de l'autre côté, les chairs se déforment, le praticien pratique alors une coupure en croix pour limiter la déchirure des tissus et une dernière impulsion lui permet d'extraire la flèche.
Si le fer dépasse, on utilise des pinces dites à bec d'oiseau pour s'en saisir, mais comme le disait le grand Aboulcassis au XIe siècle : « si elle ne répond pas aussitôt à la traction sur elle, laissez-là en place pendant quelques jours jusqu'à la suppuration des tissus environnants, alors la traction et son ablation seront faciles ». Certains activent le ramollissement des tissus en utilisant une lotion à base d'huile rosat, de jaune d'oeuf et de safran. Pour faciliter l'extraction il est conseillé d'effectuer un mouvement de torsion de la main en tous sens avec la pince.
Si la flèche est profondément enfouie mais pas au point d'utiliser l'impulsoir et encore moins la pince, il n'y a plus qu'une solution : inciser autour de la plaie. Aboulcassis précise « seulement s'il n'y a pas d'os, de nerf ou de vaisseaux sanguins dans le voisinage ». Dès que l'ouverture est assez grande, on utilise la pince pour extraire le fer. Parfois le patient garde le fer fiché dans sa chair tel Guillebert de Lannoy en 1412 : « je fus blessé à la cuisse par un vireton (carreau d'arbalète) et j'ai gardé la pointe dans la cuisse pendant plus de neuf mois ». Au XIe siècle, Aboulcassis parle déjà de cas similaires, de blessures qui cicatrisent par-dessus le fer, qui parfois se rappelle à son malheureux propriétaire après quelque temps. Dans ce cas, il faut inciser ou utiliser des pommades caustiques pour le dégager avant de l'extraire. Une fois le fer extrait, on traite la blessure comme les blessures classiques mais la profondeur des plaies, les fragments de tissus emportés par la pointe souvent rouillée et souillée de terre ou autre, ont une fâcheuse tendance à causer des complications.
Comme tous les blessés le patient est soumis à la saignée, au lavement (clystère), et à la diète pendant deux semaines.